Voyageurs, nous sommes tous à l’affût du vrai et de l’authentique, du pittoresque et de l’exotique… Que cherchons nous vraiment, derrière ces vocables dont certains véhiculent aujourd’hui (et c’est à dessein que je les emploie), un doucereux parfum de nostalgie coloniale ?
Pourquoi ce petit village reculé de l’arrière pays Birman nous émeut-il ? Pourquoi ses maisons en bois et son sol en terre battue sont-ils l’objet de toute notre attention ? Pourquoi ces enfants au regard curieux et aux pieds nus marquent-ils notre mémoire ?
Et surtout, pourquoi cette ville du delta du Mékong, longeant une route goudronnée, aux maisons en béton, ne nous provoque-t-elle pas la même émotion ? Pourquoi est-on plus touché par le traditionnel que le moderne, par l’ancien que par le nouveau, par ces univers sur lesquels le progrès semble ne pas avoir de prise plutôt que par d’autres mondes en pleine mutation ?


J’entendais un jour un amateur de 4×4 se plaindre de trouver trop de routes goudronnées au Maroc, reprochant au pays d’avoir « perdu son authenticité »… Peut-on réellement reprocher aux Marocains de se doter d’infrastructures modernes ? Au même titre, doit-on préférer que l’indigène se vête des atours ancestraux de sa tribu alors qu’avouons-le, une paire de jeans et un t-shirt c’est tellement plus pratique ?
Vous l’aurez compris, cet article s’engage tête baissée dans l’antre surpeuplé de la philosophie de comptoir. Mais qu’importe. Mon but est de vous aider à vous faire plaisir en voyage, et se poser quelques questions ne peut être que salutaire. Non pas pour y répondre avant de partir. Au contraire. Il s’agit plutôt d’accepter que la réponse n’est peut-être pas celle que vous aviez en tête.
Avez-vous déjà été déçu, lors d’un voyage, par ce que vous considériez comme un manque d’authenticité ? Moi oui. Pas assez différent de chez moi, probablement. Trop mondialisé. Pas assez exotique, donc.
Seulement voilà… Être authentique, n’est-ce pas vivre sans se préoccuper de ce qu’en pense l’observateur ? N’est-il pas tellement plus passionnant de découvrir une civilisation en pleine mue, de comprendre dans quelle direction elle manœuvre son histoire, plutôt que de créer une artificielle immuabilité temporelle en forçant le traditionnel ?

Évidemment, on peut regretter la simplicité et la sincérité des sociétés du temps jadis. Mais ne devons-nous pas les rechercher dans le temps plutôt que dans l’espace ? Réfléchir à retrouver ces attributs en nous, plutôt que de voyager pour les rencontrer ?
Je digresse, et m’aperçois une fois encore que mes questions en amènent d’autres, plutôt que des réponses.
Le message que je souhaiterais véhiculer à travers ces questions – si vous avez eu la patience de suivre mon propos jusqu’ici – est l’impérieuse nécessité, en voyage, de faire preuve d’une dose monumentale de curiosité naïve. On peut partir à la découverte d’une culture avec une idée, une représentation, une image en tête… Mais il est dangereux de partir avec des certitudes (c’est une certitude).
Laissez vous surprendre. Laissez-vous décevoir, même. L’autre n’est sans doute pas tel que vous l’imaginiez. Et c’est tant mieux !